Fly safe

Ca y est. Tout est en place, tes avions préférés sont installés, tout est configuré, tu es prêt à te lancer comme pilote. T’as fait quelques décollages, tourné en rond autour de la piste et essayé de poser ton aéroplane et ça n’a pas été terrible mais il est revenu à terre. Donc t’es prêt.

Ben non. Déjà s’il est revenu à terre c’est pas grâce à toi mais à cause de la gravité. Je te jure, éloigne toi de ton simulateur dix minutes et le résultat sera le même; il reviendra à terre quand même. Enfin, la gravité simulée, sinon ce genre de test tu ne le ferais qu’une seule fois. Mais bon, c’est juste une simulation.

Alors tu passes à l’étape suivante : voler pour de vrai; voler avec d’autres pilotes virtuels, avec de vrais contrôleurs, pas juste une intelligence artificielle. Donc tu te lances en réseau sur IVAO ou une autre association et ça ne marche pas. Ton Airbus 320 il fait pas ce que tu as envie et l’ATC ne comprends rien. Normal, un A320 ça fait 43 tonnes à vide. Et l’inertie, j’imagine que ça ne te dis rien. Même simulée ça existe. Donc si tu veux t’amuser, ma suggestion c’est : passes pas tout de suite à l’étape suivante.

Déjà, pourquoi tu commences avec un Airbus. T’as déjà vu, toi, des pilotes faire leur premier vol sur un A320 ou un B737-800 ? Pourquoi toi tu saurais faire mieux ? Commences avec un standard; bah oué, un Cesna 172, un DR400, un PA28 ou un autre. Y’en a tellement. Enchaîner les atterrissages parfaits sur un C172 ou un DR400 c’est aussi satisfaisant qu’avec un A320. Quand on maîtrise le premier, c’est plus facile de maîtriser le deuxième.

Et après, pourquoi montrer tout de suite aux autres tes erreurs ? Tes tours de pistes sur LFMN ils te seront tout aussi utile avec ou sans réseau. Et puis, tu te rendra compte que faire des TdP sur LFMN, comme dans la réalité, c’est pas le meilleur choix en réseau. Mieux vaut choisir une plateforme un peu moins achalandée. Déjà parce que c’est plus simple. Si tu veux être contrôlé, y’a LFMD, Cannes Mandelieu juste à coté, en VFR c’est pas mal.

Et en plus, t’as pas la phraséologie. Tu bafouille deux ou trois termes que t’as entendu dans les film. Tu sais pas quoi dire donc tu dis portnawak en pensant qu’on va te comprendre. Ben justement non, la phraséologie aéronautique c’est fait pour qu’on comprenne facilement, rapidement et sans hésitation. Donc avant de te lancer sur le réseau apprends. Y’a pleins de tuto sur YouTube. Surtout, y’a la documentation IVAO qui commence ici. Et il y a un truc incontournable : la vrai vie ! On trouve sur Internet les feeds en temps réel du contrôle aérien de plusieurs aéroports français :

Et pour s’amuser encore plus, y’a flightradar24 et/ou flightaware qui te permets de suivre les traffics en ‘live’ et donc de voir ce que l’ATC contrôle et guide. Tu pourras donc, avant même de le voir en simulation, de suivre en vrai un guidage radar entre ODILO et la 25 de LFPO. Autour de 16h, c’est super intéressant de voir comment le contrôleur séquence toutes les arrivées sur Orly.

Ensuite, pour se familiariser à la phraséologie, y’a les TDP : les tours de pistes. Ca peut sembler un peu bête, mais c’est tout de même là qu’on apprends les bases. Justement, si tu écoutes les ATC, tu entendras de temps en temps parler de vent arrière, de base et de finale. Bah oui, même les vrais ils sont passé par là. Pour t’amuser, essaye de faire un tour de piste avec un A320 ou un B737 (hors réseau bien évidemment). Tu verras comment c’est pas si simple de gérer l’inertie, le poids et la vitesse. Parce que, des TdP, que ce soit sur un DR400, ou un B738-800, c’est la base de la formation de pilote. Si tu comprends l’anglais regardes flightdeck2sim qui explique comment ça se fait IRL.

Mais il n’y a pas que la phraséologie a maîtriser. L’appareil sur lequel tu vas voler doit être familier. Le jour où l’ATC va vous donner une STAR différente de ce que tu as prévu et que tu ne sauras pas comment changer le plan de vol sur le MCDU de l’A320 (ça m’est arrivé), t’auras l’air con. Ou que tu ne sauras pas faire un direct sur un waypoint après le décollage, là aussi t’auras l’air con. Ou si tu espères une approche ILS sur LFMN et que, vu que les habitants de la baie de Nice sont bourré de fric très influents on te proposeras l’approche RPN 04A et qu’elle se termine par une VPT et que te ne sais pas ce que c’est, t’auras encore l’air con !

Bref, avoir l’air con ça ne te poses peut-être pas de problème, mais à la longue, ça use les autres avec qui tu voles. Parces que dans les autres, il y en a beaucoup qui ont fait le taf’ que toi tu n’as pas fait. L’ATC qui contrôle LFPG, un dimanche en fin de journée, il s’attends à ce que tu ait au moins la carte du sol de LFPG pour te retrouver dans les taxiways. Tu n’as pas d’excuses, toutes les cartes sont à jour, disponible sur le web, et si tu veux aller vite, y’a ce site, ChartsFinder extrêmement bien fait et toujours à jour au niveau AIRAC que je te conseilles. Si tu ne sais pas ce que c’est qu’un AIRAC, vas jouer ! Tu n’as pas de raison de ne pas avoir les cartes, elles sont toutes là.

Donc là, c’est bon, t’as fait tes TdP en solo, tu sais comment programmer le MCDU d’un Airbus, tu sais faire la différence entre une SID et un STAR. T’es prêt. Ben ça dépend de ce que tu veux faire. Si t’as envie de faire du VFR, t’as pas vraiment envie de te prendre la tête avec les SID et les STAR. Si tu fais de l’IFR, t’es moins tributaire de la météo et des nuages. En gros, faut choisir comment tu souhaite voler.

Et même, t’as peut-être pas à choisir. Si un jour tu veux faire du VFR, faut connaître les points de repport VFR de la zone où tu vas voler. Et comment s’intégrer dans l’espace de l’aérodrome où tu arrives.  Encore une fois, tout ça est identifié et disponible sur les carte VFR. ChartsFinder les a toutes ! Si tu voles en IFR, faudra avoir une vague idée des procédures de la plateforme d’où tu pars et où tu vas. Et dans les deux cas, comment procéder entre le point de départ et le point d’arrivée.

Si tu fais de l’IFR et que tu sais où tu veux aller, LFLL par exemple, ben pourquoi tu ne vas pas jeter un oeil sur le MANEX le l’aéroport de Lyon ? Là, il y a toutes les instructions que les contrôleurs ATC utilisent pour te guider. Pourquoi ne pas y jeter un oeil avant d’y partir où d’y arriver. Histoire de savoir comment ça va se passer quand tu vas arriver. Parce que, déjà, t’as regardé les cartes des SID et des STAR de LFLL pour savoir ce qu’on attends de toi quand tu vas atterrir.

Après,  j’ai une bonne nouvelle pour toi : y’a plein de gens qui ont fait ça avant toi. Et encore mieux, plusieurs d’entre eux on laissé des traces; des documents, des tutos, des vidéo des articles, tout ça sur Internet. Donc y’a tout pour te permettre d’éviter d’avoir l’air con en demandant une question que dix mille personnes ont posé avant toi.

Mais même si ta question a été répondue dix mille fois avant toi, on va te répondre avec plaisir parce que, comme toi, on est passionné par ces trucs qui volent, par ceux qui les font voler pour de vrai. Par ceux qui les font voler professionnellement quand nous on le fait de façon privée. Bref, on le fait parce qu ‘on est passionné et qu’on espère que tu l’es toi aussi. Mais la passion n’excuse pas la paresse.

Mais honnêtement, si t’es arrivé à la fin de ce billet, que tu lis encore, c’est que tu es suffisamment passionné pour te préparer pour ta première clairance, pour ton premier tour de piste.

Le miens il était drôle; en début de vent arrière, sur Toussus-Le-Noble, mon DR401 s’est arrêté tout net. J’ai averti l’ATC, mis le simulateur sur pause quelques secondes pour comprendre et j’ai réalisé que j’avais oublié de check le niveau de carburant. J’ai triché, j’ai rajouté quelques gallons et je suis reparti. Quand j’ai indiqué la situation à l’ATC, sa réponse a été :

“Copié pour la panne d’essence, les services de secours étaient déjà sur la piste”

J’en ai fait deux autres, avec assez d’essence. Là j’ai compris qu’on était tout de même là pour s’amuser ensemble.

 

Ah oui ?

Voici le 400eme billet de ce blog. Il a commencé ainsi :

Voici mon 3eme essai à la rédaction de blogs. J'ai viré le premier car il était mort.

C’était le 18 septembre 2005. Fanny n’était pas encore née, Alice venait de rentrer en CP j’imagine, je ne sais plus si c’est à cinq ans ou avant. Déjà à cet époque ce n’était pas une nouveauté. J’avais fait mes premiers tests sur b2/cafeeblog qui est devenu par la suite WordPress. Un jour, en parlant de cette histoire et du développeur Michel Vadrighi à mes collègues de Scaleway, j’ai eu la surprise d’entendre :

Ben oui, il a travaillé chez Online

Qu’importe, je continuais a essayer d’écrire de façon vaguement régulière à un seul endroit. Et je mets l’emphase sur “vaguement”. Mais j’y reviens toujours. Il y a de longues périodes de creux. Puis des sursauts. Puis après de longs silences.

Et tout de même ça continue. Pour moi, ce blog demeure une mémoire. Il m’oblige à me souvenir. Il me montre ce que je faisais. Ce que j’ai pu écrire et, parfois, ce que les autres ont pensé de ce que j’ai écrit. Parce que moi j’oublie.

J’oublie ce qu’ils ont dit. J’oublie aussi que j’ai écrit. Je relis des textes sur se blog et je m’étonne d’avoir écrit ça. Ca me semble si loin. J’ai tellement perdu contact avec ces mots. C’en est devenu mes maux.

Vu que je n’aurais jamais pensé en aligner 400, je n’ose imaginer combien il y en aura encore.

Mais il y en aura.

Une belle soirée

A errer sur internet, je continue à me faire plaisir, quoi qu’en dise la foule. Pour exemple, je vous présente la toute dernière composition de Patrick Watson ainsi que celle de Joep Beving, tout en douceur.

Et Joep Beving

Y’a encore plein de belle musique à écouter.

La poésie où y en a jamais eu

Probablement 1983 ou autour de ça. A Roberval (oui, oui) je voyais en spectacle, pour la première fois, un artiste français. C’était Francis Cabrel que j’écoutais déjà en boucle sur mon walkman.

Les jumeaux Doré (étonnant; comme Julien) m’avaient fait découvrir “Quelqu’un de l’intérieur” et “Fragile” et la suite logique était d’aller l’entendre pour vrai.

 J’entends maintenant parler des ses quarante et quelques années de carrière et je me surprends de découvrir que je l’écoute depuis trente-huit ans. Et quand je replonge dans mes vieux textes, je retrouve des citations de Cabrel.

Mais aujourd’hui je vis une première : j’entends un album de Cabrel le jour de sa sortie. J’ai bien entendu “Te ressembler” à la radio depuis sa sortie mais là, aujourd’hui, comme tous les autres je découvre l’album en même temps que tous les autres. Je ne l’aurais pas imaginé le jour où je l’ai vu à l’Auditorium.

Je me suis même fait le plaisir de l’écouter attentivement du début à la fin, d’une traite, comme il faut le faire pour ce genre d’album. Bon, ok, pour le dernier Thérapie Taxi j’étais debout à minuit pour écouter les nouveaux sons. Mais Cabrel c’est pas que du son.

Dans cet album, la musique, les arrangements, la production est juste parfaite. Les chœurs féminins, égrainés un peu partout, apportent  chaleur et un groove très particulier. Semblant facile d’accès, la musique et les arrangements sont d’une précision et d’une complexité impressionnante. Mais je ne suis pas critique et ce n’est pas une critique.

Brel et Brassens étaient déjà disparus quand j’ai commencé à écouter de la musique. Gainsbourg n’était pas dans mon viseur à cet époque. Cabrel est de ceux-là et je n’ai pas eu à le découvrir après coup. C’est peut-être pour cela que je me suis éloigné, que je l’ai perdu de vue. J’ai continué à entendre ce qui jouait à la radio mais sans plus. Après “Photos de voyages” j’ai un peu perdu le fil.

Et là, ce soir, je reprends contact avec celui qui m’a, un temps, donné envie d’écrire. De ça aussi j’ai perdu le fil. Il est plus difficile à retrouver par contre.

Belle soirée ce soir, où j’ai repris contact avec un artiste que j’avais perdu de vue. 

"J'ai vu l'homme passer, armé comme à la guerre.

Mourir c'est son projet, il va falloir s'y faire.

On dansera plus tard, au calme revenu.

La poésie où y'en a jamais eu."

Le Maître

C’est dans ce long couloir de Rudra que j’ai osé, rapidement t’interpeller après avoir assisté aux premiers cours de danse d’Alice. Tu passais devant moi et je t’ai félicité pour ta musique. Et de te dire que ça me rappelait Keith Jarrett et là, tu m’a lancé “Le Maître”.

Je croyais que ça se terminerait là, comme toutes les rencontres impromptues. Contacts avec ces musiciens que l’on voit, nous les “spectateurs”, qui vous écoutons. Je pensais que la musique, le contact, resterait loin. Mais ce regard quand tu m’as lancé “Le Maître” posait une certaine connivence. J’ai espéré pouvoir renouer contact un de ces jours.

Et un de ces jours est arrivé au théatre du Jorat. C’était comme si c’était normal. Pour toi probablement mais pas pour moi. On s’est croisé dans le jardin à coté du théatre et c’était déjà  comme d’habitude. Probablement aussi naturel, aussi libre que ta musique. Puis il y a eu l’EPFL et d’autres moments qui se poursuivent.

Et encore des surprises comme celle-là.

 

Il y a des rencontres comme celle-là qu’on chérit. J’entendrai toujours ta musique, tes improvisations, ta sensibilité.

Le soleil qui tombe des verrières du studio de Rudra sur ton piano n’emmène pas que la lumière. Il illumine ta musique. Et tu illumine sa lumière.

Ce soir là…

On étais où ce soir là. A Venise, dans un quartier un peu à l’écart de la manne touristique qui manque tellement aujourd’hui.

On avait profité de cet endroit légèrement à l’écart pour profiter des Spritz italiens qu’on découvrait avec plaisir. Deux assiettes d’antipasti, des Spritz et Venise plutôt calme devant nous.

Un peu plus de marche qu’à la normale pour retourner à l’hôtel mais qu’importe, on était déjà habituer à marcher des miles en se trompant et en repassant deux ou trois fois devant la Fenice. C’est probablement un des plaisirs de Venise, de s’y perdre.

On est rentré doucement vers l’hôtel, déambulant dans les rues de Venise où de moins en moins les touristes s’attroupaient. De temps en temps, on voyait des téléviseurs déverser leur flot de nouvelles, d’images, d’actualité. Sauf que cette fois, à une ou deux reprise, les passants nous exprimaient leur dépit de la situation actuelle, de l’actualité.

Et nous avons vu le feu, sur l’écran d’une sandwicherie. Et encore ailleurs dans un bar. En encore plus ensuite. Le feu envahissait Venise par les écrans. Le feu français et la peine des vénitiens de voir Notre-Dame ployer sous les flames.

Nous sommes entré un peu ébahis à l’hôtel pour voir l’ampleur du désastre, réaliser que ce n’était pas seulement une “autre” nouvelle. Notre-Dame était en feu. Les jours qui ont suivi nous ont montré comment les vénitiens pouvaient être empathiques face au traumatisme de Notre-Dame.

Peut-être parce qu’il n’y a pas tellement longtemps, c’était la “Fenice” qui brûlait. Celle devant laquelle nous sommes passé trois fois sans savoir. Sans connaître son histoire récente.

Bientôt, il y aura des touristes qui passeront devant Notre-Dame sans savoir. En ayant passé devant le palais de Justice, et devant la Sainte-Chapelle et en repassant trois fois devant Notre-Dame.

Il ne sauront pas, auront oublié, ou seront trop con pour s’en souvenir. Mais Notre-Dame sera redevenue une fréquentation normale, après avoir marqué tant de personnes dans le monde.

Elle a huit-cent ans derrière elle. C’est ça qu’on oublie.

Tiens, j’avais un blog…

Il fallait que je sois en confinement pour m’en souvenir.

Il fallait surtout que je trouve un vecteur autre que les véhicules à conneries habituels (Twitter, Facebook, etc), où l’on trouve un récolte de bêtises, pour pouvoir m’exprimer de façon plus ou moins claire.

Bon, vu l’audience, ça va demeurer confidentiel, mais pourquoi pas. Les mots que je laisse sont plus pour moi que pour les autres; pour me souvenir, pour laisser quelque chose derrière.

Ce soir il est tard. Je vais tenter d’y revenir de façon régulière. Nous sommes confinés depuis déjà quatorze jours. Et vu ce qui s’annonce, j’aurai le temps de laisser quelques messages.

Tante, tante…

Il y a longtemps

C’était il y a quelques années. Pour la première fois nous visitions Roberval en famille. Fanny n’y était pas pour des raisons évidentes. Françoise avait offert un jeu sur CD à Alice qui n’en avait que pour Caillou.

C’est aujourd’hui. Elle s’est éteinte comme elle a vécue : avec honneur, chez elle, devant son lac.

J’aimerais revoir cette photo où je l’embrassais en disant « Tante, tante ». Elle aimait cette histoire. Moi aussi. Elle m’a accompagné dans mon enfance. Elle m’a donné tellement de belles années. Elle m’a appris le respect des autres, du groupe. Je me souviens clairement de ces arrivées au chalet, sur « La Lièvre » où mon premier boulot c’était d’allumer le réfrigérateur (oui, allumer ! Pour les dubitatifs, faites de la thermo). Puis de mettre tout en place pour pouvoir en profiter.

Remplir le réservoir d’eau, rentrer le bois, trouver sa place dans le dortoir, en haut où on avait tellement de fun. Fun qu’elle n’a pas partagé le soir où des souris se sont mis à courir dans le plafond à 23h30. Tout le monde en voiture on rentre à Roberval ! Où une autre ballade pour trouver du sel à 20h.

Partout dans ma vie elle est là. Même après avoir émigré en France, elle est restée dans ma vie, dans ma famille. Ce soir, mes filles sont triste d’apprendre son départ. Même loin elle a fait partie de leur vie.

Tu fais partie de ces personnes importantes, tout près du cercle familial restreint, tellement près que tu en fait partie. Dans cette famille « des Bouchard », tu n’as jamais été à l’extérieur. Tu était toujours près de nous, avec nous. J’imagine que c’est pour ça que j’ai peu de souvenirs de ma petite enfance sans toi.

En grandissant, j’ai entendu les histoires des plus vieux. Je n’ai pas eu envie de les laisser traîner leurs gouttes sur moi. Ta vie d’adulte je te l’ai laissé jusqu’à ce que je puisse partager la mienne avec toi. Tes histoires avec tes élèves. Te voir dans les couloirs de « La Polyvalente ». Avoir la fièreté d’être le neveu d’un des professeurs. Que dans le lot de « prof », y’avait ma tante.

Puis je suis parti, mais tu es restée. Mon premier retour à Roberval, avec mes beaux-parents c’était juste à coté de chez toi. Alice voulait voir les « chouchous » deux à trois fois par jour. Puis il y a eu Fanny, le baptême, et tant d’autres choses, toujours chez ou près de chez toi. Tu te souviens de la visite des garde-pêche ?

Ce soir je suis loin de toi, et tout près. J’aurais voulu te voir une dernière fois. Mais à chaque fois c’est la même chose. On veut te revoir encore une fois. Comme un film, c’est le signe d’une réussite d’avoir envie de la revoir. Ta vie, est une réussite. Et tu la termine en paix. Nous en sommes tous soulagés.

On s’occupe de ton petit frère ; et de ton Lac

La religion et les autres

Il exprime beaucoup de ce que je pense

J’étais où le 22 août 2017 ?

En Normandie. Probablement à préparer l’anniversaire d’Alice, à m’occuper de mes beaux-parents qui étaient de passage. A m’inquiéter d’Henri qui n’allait pas bien.

J’étais en France le 22 août 2017, le jour on l’on a annoncé le décès de Réjean Ducharme. Fidèle à mon habitude, j’ai évité les infos, le net, les dépêches pendant les vacances. De toute façon, il ne m’a pas attendu pour mourir, c’était sa première fois.

Il a changé ma vie, ce vieux jeune homme. De la découverte de “L’Avalée des avalés” en passant par “L’hiver de force” que j’ai lu dans mon cartier, celui que décrivait Ducharme. La pharmacie Labow qui faisait le coin de la rue où j’ai ensuite travaillé chez Canonical, après avoir quitté Montréal pour Paris. La galerie Pink, rue St-Jacques, en face de chez René où je passais beaucoup de temps.

La où, un après-midi, sachant que j’allais partir pour la France j’ai écrit dans le livre d’Or de l’exposition de Rock Plante des mots qui lui étaient destinés. Je regrette encore aujourd’hui de ne pas avoir acheté une de ses oeuvres. Pour garder un lien avant de partir.

Puis après, cette lettre que je lui ai écrit parce que mon père avait récupéré l’adresse de Claire Richard. Que ne n’ai jamais osé lui envoyer. Parce qu’on envoie pas une lettre comme ça quand on est comme moi. Surtout pas à lui.

Je perds ce soir l’espoir de le lire. De découvrir à nouveau ses mots. Son dernier livre, “Va Savoir”, je l’ai lu sur épreuve avant sa parution. J’avais un contact chez Gallimard à l’époque. Je garde cette épreuve précieusement.

Mais de lui, ce que je garde de plus précieux, c’est le prénom de ma fille. Fanny. OK, j’ai cédé à l’orthographe de Pagnol parce qu’ils n’auraient pas compris ici. Mais quand j’ai choisi, j’ai entendu le “FanniE” de Ducharme. Et tous les jours, un de ses personnages est un peu avec moi. Et je dois avouer qu’elle porte fièrement la lignée Ducharmienne.

“Tu l’as dit Mamie, la vie il n’y a pas d’avenir la-dedans, il faut investir ailleurs”