Atelier d’écriture 207 : Un arbre

© Julien Ribot

© Julien Ribot

On m’a laissé à cet endroit, témoin de ce qui aurait pu m’arriver. J’aurais pu être un arbre fruitier. J’aurais été comme autour, labouré, cueilli, sillonné, taillé. J’aurais donné fruits et nourriture. Ici, je regarde, inutile. Je ne les aide pas. Je ne les nourris pas.

De l’ombre. Et encore, ici au milieu de nulle part je n’abrite personne. Un chemin passe devant moi. Ils passent ici, en bas. Mon ombre leur est inutile. Et, là, seul le brouillard matinal m’entoure, baigne mes pieds et le bas de mon corps.

Je suis arrivé ici sur l’aile d’un oiseau. Ou dans sa merde, je ne me souviens plus. Peu importe le siège, on va tous au même endroit. Et depuis j’habite là, beau et de plus en plus majestueux. Sauvage, ça se voit : je n’ai pas grandi tout droit. Je penche vers la gauche. Ou vers la droite ; ça dépend d’où l’on me voit.

Au moins, je ne suis pas comme ces soldats, au loin, aligné en rang comme des oignons. Tellement près les uns des autres ; aucune intimité. Ça donne ça, l’urbanisation. On vit les uns sur les autres. On n’a pas la place. Je préfère ma campagne.

Grandiose au milieu de nulle part. J’abrite les oiseaux ; la famille. Ils partent et reviennent comme la famille. Et le village gravite autour de moi. C’est ce que souhaite. Ils savent où revenir s’ils en ont besoin. Moi je ne bouge pas, je suis là pour eux.

En fait, je n’espère être qu’un guide pour ces petites pousses qu’on enlève dans leur tendre jeunesse. Juste leur montrer comment on peut grandir et rester. Seul, mais rester. Grandir et rester seul.

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