21. Devant la télé

Seul dans mon excuse de salon, je regardais l’étang passer. Ce ramassis de corps morts, concentration d’eaux mortes aux vents des ondes venait assourdir mon environnement sonore de tous ses sons sans cohérence. Trop de jeunes âmes s’y étaient baignés, y espérant trouver le rafraîchissement tant nécessaire par les nuits d’été. C’est pourtant une pellicule de stagnation qui s’imprégnait tout au long de mon corps.

Immobile dans ce dédale d’images saccadées, je me sentais lentement hypnotisé par le pouvoir tactile que me conférait ce coin d’hydrocarbures polymérisés qui rejetait mon dévolu vers cet écran de haine et de bêtise. Trop paresseux pour mouvoir mon état statique, je me concentrais à appuyer sans cesse sur un petit rectangle qui déplaçait fragilement les environs séniles de cette garantie d’ignorance. C’était comme un cours d’acheteur, lancé dans le temple du mercantilisme sans aucun autre outil que sa propre expérience millénaire et secondaire de nord-américain payeur.

Et cet acheteur qui consommait, comme la chandelle se consumait, et la consommation, prise au piège de cette combustion pseudo-spontanée venait s’échouer dans un monde de mépris de l’acheteur, traquée par tous ces vendeurs de détours, marchandeurs de faux-fuyants, dirigés vers les yeux de détenteurs. Je me sentais pris au piège de leur manigances, cible de projets trop peu luisant pour m’assurer un sain sommeil. Il fallait m’évader de leur emprise, me jeter dans un dévolu plus primitif, pour me savoir vivant, maître de mon contrôle et complet directeur de mes erreurs.

Il me fallait refuser ce dédale de banalités que me projetaient ces mécréants, m’évader de cette prison de slogans et courir rejoindre d’autres fuyards qui avaient, tout comme moi, décidés de vaincre cette stupidité médiatique. Cependant, l’inactivité m’étranglait de toute sa vigueur. Elle me plaquait les épaules au fond du divan, comme le lutteur qui attends le compte. Pour que je me déprenne de cette emprise, j’aurais à faire appel à tout mes efforts, focalisant cette énergie au coeur des antagonistes et je tuerais dans l’oeuf cette graine de paralysie. Par un effort qui jusqu’à ce jour m’était toujours inconnu, je concentrai le restant de force qui flottait dans mes environs et me suis projeté en avant, saisissant du même coup les géants qui me bloquaient et me défit de leur emprise.

J’étais maintenant libre de m’échapper vers ces antres aux veines d’alcool, jusqu’à pouvoir me retrouver en moi-même, fort de cette confiance qui égorgerait ceux qui voudraient m’étouffer. Au bout d’une course aux étendards, me supportant pour ne pas me laisser pendre au bout de cette corde de solitude, battu par le vent qui fait osciller mes organes au gré de ces airs inconnues, je retrouvai lentement des appuis qui me prouvai que je n’étais pas seul à médire de ces images.

Sachant que je ne retrouverais aucune de ces absences de connaissance, je me sentis alors plus faible d’être unique à me diriger vers ces planches de mouvement. J’aurais à m’acheter multiple consommations, pléonasmes trop évidents qui ne saurait vivre si on était plus occuper à viser buts bien différents. Mais dans ces situations, il existait toujours beaucoup trop de muses pour nous porter à penser à tous ces lois de grammaire. Nous ne voulions que vérifier notre présence en validant celle-ci auprès d’autres évidences. Je me devais donc de précipiter mon existence vers ces feux-follets qui peuplaient les champs de ces clairières.

C’est auprès des autres que l’on réalise toujours qu’on est seul.