Atelier d’écriture Bricabook #198: Quatorze

Sept stations. Elles nous séparent depuis que je t’ai laissé derrière. Triste de ne pouvoir être avec toi. Je dois rentrer, vivre. Faire avancer la maison. Remplir ce vide passager que tu laisse derrière. Reuilly-Diderot : une de ces stations entre là où on est et là où on va.

Huit. Cette ligne qui me mène vers chez moi. Loin de toi. L’infini sur le côté. Un souhait : te revoir très vite. Couper ces ceux cercles qui nous séparent, cet espace qui nous éloigne. Puis la vie reprend ses droits. Mes filles à la maison ; ce passé que tu ne connais pas

Neuf. Les minutes qui nous séparent depuis tout à l’heure. C’est ce que dit le site de la RATP que j’observe sans intérêt. Normalement, on regarde le temps qu’il nous reste. Aujourd’hui, bizarrement, je suis plutôt attentive au temps qui déjà nous éloigne.

Dix. Les mois qui nous joignent. Le temps depuis lequel je te connais. Ces quelques semaines qui ont hissé ma vie d’un ennui normal vers l’exhaltation de la rencontre, de la découverte et de la félicité d’enfin te rencontrer, de te voir entrer tranquillement dans mon existence.

Onze. Ce mois de novembre. Le mois des morts. Alors que chez moi, c’est le mois des naissances : trois, cinq, neuf. Mes frères, ma mère. Ils sont tous nés en novembre. Jamais compris cette affirmation. Pourtant, elle n’a rien à voir. Tous se préparent à la fête. Les cadeaux, le shopping qui débute. Même ma plus jeune qui a abandonné les chimères des enfants commence à découvrir le bonheur d’offrir, de partager ce moment privilégié. Je crois qu’elle a même prévue quelque chose pour toi. Pourtant elle ne devrait pas savoir.

Douze. Douce. Cette précieuse sensation d’être avec toi. Ce plaisir de me tenir à tes côtés, à savoir que tu seras là. Après. Mon regard flotte le long du ressac de notre rencontre, de notre vie qui frappe la rive de l’océan qui nous sépare ; il te trouve et se rassure : te voilà. À l’autre bout, je serai seule un moment et puis tu reviendras.

Treize. Tiens, c’est aujourd’hui : Vendredi treize ! Ce genre de journée où tous ces imbéciles craignent le pire. Les chats noirs, les échelles, tout le toutim. Très loin de moi tout ces superstitions. À la maison il y a les filles, ma vie qui m’attend. Derrière il y a toi et ta ville qui te fait vivre. J’aurais tellement voulu pouvoir être avec toi. Avec tes potes. Partager Paris que je n’ai connue que du mauvais côté.

… Je n’arrive même plus à retrouver ton numéro. 06 ça c’est certain. Puis 66 et puis 59 et puis plus rien. Je sors du métro et tout ce que je cherche ce sont ces nombres qui n’y sont pas, qui m’empêche de prendre contact. Et puis oui, je me souviens, j’ai toujours utilisé le jour de naissance de ma fille : 25. Et puis c’est le vide.

Je n’arrive pas à te joindre. Il me manque ce chiffre, les deux derniers numéros. Ces deux petits nombres qui me laisseraient dans le vague ; dans le doute. Ces nombres pourraient me permettre peut-être de savoir si tu vas bien.

Si j’avais trouvé quatorze, j’aurais su.

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