24. Les questions

Pourquoi t’es partie ? T’avais vraiment besoin de tout foutre en l’air ? Pourtant c’est moi qui ai disparu. Mais ce que je voyais de toi me disait que tu étais là, mais pas ici. Que je partais, mais vraiment que c’est toi qui disparaissait.

J’ai rien demandé de tout ça. Je suis seulement entré dans ton jeu, simplement par curiosité, pour voir ce qu’il y avait en dedans. Comme lorsqu’on marche, la nuit, le long des maisons et qu’on distingue clairement la vie à l’intérieur. Je voulais épier, c’est tout. Puis soudainement, je me suis senti aspiré par l’intérieur. Comme si ceux du dedans voulaient me punir d’avoir voulu voir, et suçaient sur leur paille pour pouvoir tout me boire.

Je ne pouvais pas partir. Je voulais rester, mais sans être là. Pour ne pas être vu lorsqu’elle se réveillerait. Je voulais la voir sortir de ses rêves, mais j’avais pas le goût de servir de paillasson. Je voulais être témoin comme l’est un miroir, qui redonne tout ce qu’il voit mais en garde toujours un petit peu.

Je l’ai laissée derrière, mais je la voyais toujours devant. C’est probablement là qu’elle a fait sa place en moi. Parce qu’après cela, elle ne m’a plus quittée et je ne l’ai plus revue. Elle était trop près pour que je puisse la voir, trop loin pour qu’elle me manque. Ça m’emmerde quand quelqu’un emménage chez moi sans même y entrer. Quand j’ai une locataire et que je ne suis même pas propriétaire. Mais avec elle, il semble que c’était normal. Rien de nouveau de son coté. Elle ne faisait que passer mais c’est son ombre qui est demeuré. Une si grosse ombre pour quelqu’un de si petite, que nous devions être très loin du soleil. Parce qu’aux alentours de chez nous, il n’y avait plus de lumière. Tout était plongé dans son noir.

Pendant un long moment, je n’ai plus bougé. Je savais ce que je voulais savoir, j’avais conquis mon but, escaladé mon sommet, elle n’avait plus rien à faire de moi. Elle avait témoigné, le sort en était jeté.

Et moi, l’idiot, je m’étais laissé embarquer, pas par elle, mais par moi. Je m’étais tendu un piège et par bonne conscience, je m’y étais laissé leurrer. J’avais tout pour
savoir avant même d’y entrer. Pourquoi n’ai-je pas tourné les talons devant ce paysage connu ? Pour m’assurer que les autres ne s’étaient pas trompés.

C’est comme manquer d’imagination que de refaire des expériences déjà faites. J’ai l’impression que l’humanité manque chroniquement d’imagination.