J’ai trop aimé. Ou bien pas assez. Ce que j’en sais, c’est la douleur qui m’habite. Un sentiment pernicieux qui se réveille alors que tous les autres s’endorment, rien que pour me dire qui lui n’a pas oublié.
Chaque fois que son souvenir vient donner au lac de mes rêves une brève ondulation, comme à la surface d’un étang lorsqu’une libellule ou un autre insecte viens frôler la surface, je sais qu’elle est passée par cet endroit. Pas plus longtemps que l’insecte, mais autant capable de donner naissance à une onde, si légère soit-elle, qui vivra jusqu’au rivage.
J’étais pourtant entré dans ce jeu bien innocemment. Rien que par curiosité, pour savoir ce qui avait bien pu passer par la tête de ce rustre avant d’enregistrer ce message macabre à la suite d’un bon standard. Je me sens maintenant assis dans sa tête, marchant le même pas hésitant de ses souliers. Qu’est-ce que je fais ici, trop loin d’où je voudrais être, plus loin qu’ailleurs ?
Mais je ne peux plus m’éloigner. Comme ce volatile frivole, je ne veux plus m’éloigner. Je vais me brûler et je ne peux même pas comprendre ce que cela veut dire! Je tourne autour d’une lueur qui m’attire sans savoir qu’elle me sera fatale si je l’étreins. J’ai le profond désir de m’intégrer à ses détours, de me détourner vers ses contours, de me vautrer dans son alentour et d’y découvrir la chaleur de l’antre qui me fascine tellement.
Ce que j’ignore me fera trop probablement périr. Ce que je ne peux oublier me fera trop sûrement périr. Je m’agite autour de ses reflets, me laisses aller à des ébats exubérants pour attirer son attention plus qu’immobile. Pour enivrer son calme beaucoup trop stoïque.
J’irai brûler sur la brillance de sa proximité la fragilité de ma voilure. J’abandonnerai ainsi toute espérance de rédemption, car c’est de cette plaie que l’on châtie ceux qui ont vécu à la hauteur de leur conscience. Mais sans regret je donnerai à ceux qui se nourrissent d’âme en peine, la mienne qui ne le sera plus, car elle aura été le sacrifice à celle qui était aimée encore plus.