17. Dans le bar

C’est tout au fond de ces bouteilles que j’ai trouvé le reflet de mes yeux. C’est dans ces profondes surfaces que j’ai miré le vide de ma coquille. Comme le fermier qui recherche éperdument le secret que cache cet oeuf, sans trop regarder la poule. Et il m’a accompagné partout, ce vide. Je l’ai vu dans les yeux prétendant de cette jeune dame. Prétendant des choses que je ne saurais croire. Absence dans les propos incohérents d’une peuplade virulente qui gravite autour de ces bancs qui supportent nos abus d’alcools.

Parce que ces abus que tant de faux cols portaient, ils n’étaient finalement que des îlots de franchise dans un monde qui a si bien appris à ce mentir que nul ne peut dire que le roi est nu ! Allez donc dire à celui chez qui le feu illumine chaumière que son hôtel brûle ! Le feu qui, chez l’un consume la moelle, chez l’autre enfante la nouvelle forme sous le poids de l’enclume et des jours qui martèlent. Tout ces heures à frapper, qui amènent la violence de l’impact à créer l’inexistant.

Pendant ce temps, les curés de ces paroisses d’impuissants vous poussaient dans l’absence de vie qui peuple la leur. Tous ces brasseurs de fausses chansons vous obligeaient à fredonner leur pauvres comptines comme si vous n’étiez que des enfants à qui on fournit des miettes pour qu’ils ne connaissent jamais le goût du pain.

Il est pardonnable de fuir l’initiative parce qu’on craint l’inconnu, mais il en serait moins passable de jeter à gauche le regards dû à droite lorsque les ouï‑dire d’autres mauvais pensant vous poussent à l’immobile.

Quand on regarde trop d’images, on perds souvent les mille mots qui vont avec. Ayant déjà peu, on réussit à faire encore moins. Lentement les deux pieds sur ces dalles de béton, je me suis forcé à faire plus. Je me suis poussé à l’arrière pour faire bouger l’avant. Pour donner du mouvement à cette masse d’héritages vénéneux, de souvenirs accomplis, maîtres à la retraite de temps révolus.

Trop de mauvaises expériences ont enlisé mes pieds et mon coeur dans un étang de sentiments gravitationnels, et gardent mes initiatives à ras-le-sol pour ne pas qu’ils s’évadent. Et tous ces ras-le-sol m’en ont mis ras-le-bol de toutes ces fausses attractions. Mais tout en essayant de lutter contre ce massif inertiel, j’ai laissé le doute percer ma cuirasse.

Dans ce voyage au centre métropolitain de la ville, j’ai vu tant de dynamique de l’immobilisme qu’il me fut presque permit d’accaparer condescendance pour garnir mon faciès. Pour espérer cacher une vérité trop vivace, je me dirigeai vers les pires, les moins bons. Mieux que moi dans leur misère et leurs débats. Pour ce guérir d’un deuil on pense à la misère du mort. Pour endurer sa soif, on pense au désert et à ses dunes. Trop de dunes, comme lunes au milieu d’un ciel sans sable cosmique, absent de ces cristaux qui palissent un ciel de juillet.

Tout ces piteux sommets semblaient vouloir s’accumuler et jumeler leur hauteur pour intervenir au passage de ma vue. Je ne pouvais que baisser les bras devant tant de moulins-à-vents. Trop de buttes contre lesquelles me butter. Il me fallait abandonner. Laisser mes défenses me défendre la défense et me pousser à entrer dans un de ces lieux grouillant d’immobiles, de plantes qu’on arrose de houblon et autres matières éthyliques pour les faire grandir. Une averse vint alors asperger le jardin de mes rêves.