14. L’aveu

Et puis, soudainement, tout fut noir autour d’elle. Plus noir que les cendres que l’on retrouve au fond du foyer, au lendemain d’une tranquille soirée, lorsque le bois a abandonné son âme au feu de la nuit. Quant à moi, j’attends en silence, dans l’ombre qui murmure ses contours sans toutefois laisser échapper son nom. Elle sait que je me tiens près d’elle mais elle agit quand même en ignorance de ma présence.

La nuit l’enveloppe comme un drap de satin, glissant le long des parois de son gentil corps de fillette, ne laissant s’échapper aucun bruit, si ce n’est que le léger sifflement des ombres le long du plancher. Elle m’observe longuement, sachant que le sommeil se tiens devant mes yeux. Le rythme lent de ma respiration éveille en elle des souvenirs si récents, qu’elle les sent encore grouiller au plus profond de son bassin.

Elle se promène encore quelques minutes devant la fenêtre, éclairée seulement par la lueur faible de la nuit qui veille au dehors. Comme si elle voulait faire savoir aux habitants de cette ville qu’elle seule est attentive aux souffle sourd de la nuit. L’horloge qui peine sous le poids des secondes gémit son signal secondaire moins par goût que par devoir.

>>>ELLE LUI DIT QUE C’EST ÇA QUI EST ARRIVÉ AU MEC DU RUBAN. ELLE L’A LAISSÉ TOMBER APRÈS AVOIR BAISÉ. COMME ÇA !!!<<<

Elle regagne le lit de sa nuit, comme la rivière retrouve le lit de son chemin, aussitôt après une crue. Et lentement, comme au fil du parcours de ce ruisseau imaginaire elle retrouve le sommeil qu’elle n’a qu’un instant perdu.

Elle retrouve, dans l’éther de Morphée, le monde qu’elle n’a jamais voulu quitter. Dans le confortable noyau qu’elle habitait avant d’aller visiter le verger. Comme on tombe lorsqu’on s’effondre sur un trottoir dans une nuit de tempête de neige. Aussi lentement que chacun de ces flocons qui naissent au creux des nuages. Elle se laisse prendre par l’étreinte de la nuit, comme elle a été prise par mon étreinte. Et elle s’y abandonne tout autant. Elle se donne à son sommeil comme elle a partagé sa nuit avec moi.

Jumelle d’une nuit, comme lorsqu’on se lie à un destin pour une seconde, elle partage ses rêves comme on se sépare un verre d’eau, lors d’une chaude journée d’été, comme si c’était le dernier. Elle vit sa vie comme si c’était la dernière. Et ses nuits en sont de même. Elle nage en travers de ce sommeil pour rejoindre le doux éclat du matin de la même façon qu’on essaie de rejoindre le rivage lorsqu’on a été projeté hors du bateau. Et comme ce compagnon d’utérus, elle semble ressentir, ce soir, les moindres soubresauts de l’âme de son passager de couchette.