Trop pressé dans l’écart de tes bras, je me laisse étouffer par ce vent de panique qui s’empare des voiles de mon coeur. Poussé comme dans une douce tempête, je laisse pointer ma proue au nez des vagues qui, lentement, m’ensevelissent. Sa mer me porte vers un horizon qui m’étourdit d’éloignement. Il fut malheureusement trop fréquent, pour les marins de mon frêle navire, d’agiter bras et drapeaux à des îles désertes qu’ils méprenaient pour des ports.
C’est donc avec l’honneur factice d’un capitaine en péril, que j’affronte tes récifs, espérant sauver mon équipage des remous brusques engendrés par tes courants intenses. L’impulsion sourde issue de tes abysses vient résonner jusqu’au plus profond de l’épine qui peuple ma dorsale structure. Comme une source souterraine crachant ses eaux chaudes sous la surface agitée de ta surface, venant du même coup envelopper d’un voile flou l’image corallienne qui entoure son embouchure, mes yeux projettent au fond de mon crâne une lumière diffuse, vague reflet des présents événements.
Aveuglé un court instant par un myriade de rêves scintillants derrière tes yeux clos, je m’attarde à écouter les échos lointains de ces mondes peuplant ton sommeil. Le reflet sombre de ces brillances nocturnes viennent flatter le subtil équilibre du silence qui m’entoure. Et j’ai peur de ces rêves. Peur de n’y occuper qu’une place de spectateur, assis devant la parade qui passe !
Trop près pour bien voir, mais beaucoup trop loin pour en faire partie. Tu nages dans le même océan que moi, sans agiter les mêmes remous. Nos deux corps sont trop loin pour que les vagues qu’ils engendrent puissent, un jour, se rencontrer.
C’est pourtant beaucoup plus près de vous ma très chère dame qu’il me siérait de me trouver en cette nuit de détrouvailles. Si peu de temps nous sommes-nous donnés pour édifier cette tâche de nous rencontrer, pour ensuite nous en donner encore moins pour nous repousser. C’est comme si l’élan vers l’avant que je m’imposais n’était en fait que le préambule à un recul encore plus violent.
Si tendres sont vos courbes, qui sans plus de bruits glissent le long de mes mains. Chacun de ces sifflements vient casser la nuit comme un oiseau fend la vitrine de son vol insensé. Il vibre de vos côtes tant de chansons enivrantes que tout mon équipage s’en trouve immédiatement enchanté. Le son de sirènes n’est point pour bloquer le coin des rues, mais bien pour givrer les coins des fenêtres qui me donne visage à l’extérieur de ma tête. Et moi, je vous laisse la barre, comme un commandant endormi.
C’est maintenant, par malheur, que j’abandonne ce contrôle, qui me coûtera plus tard ma conscience.