11. La nuit
La chaleur ne transperce vraiment que lorsqu’on a froid. C’est alors qu’elle vous enrobe, comme une couverture et vous embaume de sa présence tranchante et enivrante.
La nuit quant à elle, me suivait dans mes mouvement depuis le jour de ma naissance. Elle était devenue une alliée constante, toujours présente lorsque j’en avais besoin. Discrète, avec ses bruits lointains et épars. Douce dans sa présence envoûtante. Ma nuit me protégeait de mes ennemis. Elle agissait comme un écran protecteur. Comme une mère devant son enfant. La nuit m’avait jusqu’à un certain point enfanté. Elle était le tissus serré de mes expériences. Nombre de celles-ci cachées des autres par des ombres fugaces qui s’évadaient au réveil de l’astre.
C’est dans la nuit que la vie se préparait, que la mort se déguisait. Cette pauvre nuit se voyait souvent attribuée horreurs et tourments qui n’étaient que legs d’une journée mal terminée. Trop de citoyens renvoyaient leurs fantômes vers les ténèbres où ils avaient aise d’exister. Et il prenaient forme surtout par la couillardise de leur géniteur de les affronter en plein jour.
Cette nuit me semblait donc adéquate pour camoufler mon manque de cran. Elle fut aussi la seule et dernière confidente qu’il me resta. C’est donc à elle et elle seule à qui je décidai d’accorder l’honneur de mon départ. Elle fut toujours la seule à me tenir éveil et compagnie lors de tous ces long moments de solitude intense. De tout temps elle fut ma compagne de solitude.
C’est donc à elle que je demandai de me donner le bras, dans cette longue marche vers d’autres étoiles. Elle seule put m’assister sans pour autant vouloir à tout prix me guider. Ma nuit me fut à jamais fidèle. Et en retour, je lui répondais par respect et amitié. Ce genre d’amitié qui se tisse comme un cocon autour de vieux amants, étirés par le temps et les souvenirs. Imbriquée de complicités, autant de silences en réponse aux regards interrogatifs des étrangers. Et cette nuit, elle vint m’entourer de son voile humide et frissonnant.
Une pluie de fines larmes me couvrais comme si cette vieille camarade ne voulait pas me laisser partir sans savoir que j’emportais un peu d’elle avec moi. Comme la mère qui glisse une tendre missive dans le sac de son enfant lorsque celui-ci part pour l’école, la première fois. Cette pluie me réconfortais. Elle me permettait de communier une dernière fois avec cette planète que j’allais rencontrer, bientôt et bien rapidement. Je me retrouvais encore une fois, à goûter le ruissellement des nuages qui me surplombaient, cachant un cartier de lune encore trop discret.
Cette averse me recouvrait de tant de souvenirs, trop de départs précipités vers des portes suggérant l’abri d’un toit. Une absurdité certaine de l’empressement à s’abriter de ces torrents à cieux ouverts qui rarement nous menacent. Cette nuit, je décidai de faire corps avec l’orage. Je désirais ardemment tonner avec l’éclair. Je voulais faire mienne une portion de l’éclat de ces chocs, du déchirement de ce fracas. C’était à ce moment que je m’engageait à briser les cordages qui m’étaient carcan, barrières et bâillon à l’emphase de mon geste.
Trop de temps j’ai attendu en vain espérant voir apparaître la raison. Trop d’heures ont buté aux éperons des horloges pour qu’il me fut encore possible d’espérer découvrir le secret de ces codes. C’est alors que s’évada le bon sens de la nuit. A cet instant ne brillait plus que l’absurde de devoir vivre sans jamais comprendre.