Avant-première

© Romaric Cazaux

© Romaric Cazaux

Pour Alice…

De l’eau, là, tout au bout du studio. Une pause, une petite, un peu d’eau. Pourtant, j’ai l’habitude depuis le temps. Depuis ces mercredis, toute petite, tout en rose et en fraîcheur. Mais là, aujourd’hui, ça me semble tout particulièrement difficile.

Déjà la barre au sol : quarante-cinq minutes de travail pour se mettre en jambe, commencer à sentir le mouvement. Pour une fois, je suis au top : tout passe merveilleusement bien.

Puis une heure de barre à s’en arracher la santé. Rien de brutal, juste tout emmené à la limite du supportable. Mon corps me fait mal. Je sens ce fil imaginaire me tirer vers l’infini, allonger mes jambes et mes bras, mon dos qui part vers le haut, y’a tout qui se barre !

Du coin de l’œil, je vois ce fichu ruban sur ma pointe gauche. Depuis que j’ai douze ans que je couds mes pointes, que j’ajuste ces rubans pour qu’ils tombent à la perfection, qu’ils tiennent bien la cheville. On penserait que c’est devenu une routine ; bien non, je me plante encore et toujours. Il n’y a vraiment que maman qui les réussit à tout coup.

Des dizaines de pointes, je n’ose même pas imaginer combien j’en ai usé pour me rendre à ce moment tout approche. Changer de fabriquant, changer de modèle, changer de maker pour arriver à identifier laquelle est la plus confortable, laquelle me fait le plus beau coup de pied. Tout ça pour les mettre en pièce avant le premier service, puis tout remettre en place. Et puis quelques semaines d’utilisation intense et on recommence.

Enfin quelques minutes de répit, un peu de temps pour boire un coup et souffler. Repenser à ce qui m’attend, demain soir : mon premier rôle de premier plan.

Milliers d’heures de travail, déceptions, découragement, émerveillement, découvertes. Tout ça qui, depuis toute petite fait partie de ma vie au quotidien. Le conservatoire, les stages, les auditions, les refus. On s’habitue un peu, mais jamais tout à fait. Et la passion fait taire ces désillusions passagères, ces écueils qu’il faut trop souvent rencontrer si on veut en faire une carrière.

Puis un jour on nous dit oui. On nous offre un rôle, une sensibilité à transmettre, à exprimer. Quelqu’un à sublimer, à faire bouger, à qui donner la vie. Et on se retrouve petite fille, première fois sur une scène. À jouer à la maman, à pousser le caddie, à traîner bébé derrière soi. Et on réalise que depuis ce jour c’est ce qu’on fait : faire vivre son personnage, le mettre en mouvement, ajouter des émotions.

Demain, mes sens réchaufferont leur cœur, mon expression les emmènera loin, ailleurs, au bout de mes pas. Aujourd’hui, à l’avant-première, les chauffes entourent mes pieds de l’énergie de mon art, la force de ma passion, l’expression de mes rêves. Ils gardent à l’abri l’histoire de ma danse, le chemin de ma vie. Mes pieds n’ont plus qu’a le suivre.

Bricabook : Atelier d’écriture #193 : Pocahontas

 

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Le bord de l’eau, le bruit des vagues,

le son lointain des oiseaux.

Les mères au loin, la mer tout près,

copains d’été il fait chaud.

 

Des ronds dans l’eau, remous fugaces,

une tête qui réapparaît,

Courses effrénés, cheveux défaits

Un autre qui reprend la place.

 

Que des journées, moments gravés

Espaces de liberté

Que des images intemporelles

tenaces et éternelles.

 

La plage ouverte, le sable fin,

Une page blanche, opaline.

Un vent salin, soleil levant

Retour dans l’onde cristalline.

 

Le goût du sel, le goût du large,

de se laisser transporter.

L’appel du fond, le noir abîme,

de se laisser enfoncer.

 

L’envie de l’air, l’envie de vie,

le feu dans les poumons.

La peur du noir, le chant du vide,

De fondre dans cette nuit.

 

Refaire surface, revoir le ciel,

refaire le plein de souvenirs.

Entendre le vent, le bruit des vagues,

C’est toute l’atmosphère qu’on aspire.

 

Des jeux d’enfants, défis stupides,

limites qu’on cherche à connaître.

Le goût du risque, de l’infini

Une vie que l’on ne peut perdre.

 

Qu’on garde en soi cette folie,

ces jeux d’enfants, défis futiles

On reverra le vent, les vagues,

Et il nous restera ça.

 

Note : Rythme inspiré de “Pocahontas”, Grand Corps Malade

Caribou

Une ancienne photo de l’atelier d’écriture de Bricabook que je n’ai pas eu le temps de publier mais qui me tient tout de même à coeur.

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C’est là que je suis né. Brouillard et contraste.

Les bois étaient la métaphore de ma personne.  Le “nickname” est devenu un avatar, un étendard une image de moi.

Là dans la brume, la fumée des festivités, l’étoile, le réverbère de St-Ex qui ne s’éteint jamais je naissais. J’arrivais en vie, une fausse vie mais une vraie existence.

C’était des bois de cerf, OK, mais des bois tout de même. On fêtait le printemps bientôt, la St-Patrick aujourd’hui, c’était le moment de faire la teuf.  Puis je me suis mis de coté pour réfléchir à ce que Caribou allait devenir.

Il serait bientôt connu partout dans le monde. Sur les cinq continents. Partout là ou personne ne regarde. Partout dans le monde et par peu de monde : cinq ou dix chinois connaissent Caribou; c’est peu.  Le monde c’est petit et c’est grand.

Xiang Hui, Felipe, Victor, ils connaissent Caribou. Je connais Caribou. Et pourtant peu le connaissent.

Il évolue dans cette nébuleuse sombre, entouré de geeks festifs, ou enragés.  Dans ce monde qui est sombre pour vous et qui pourtant rythme vos journées : facebook, tweeter, snapchat, tinder, jacquieetmichel.

Et oui, du cul il y en a aussi.  Parce que vous pensez que ça marche tout seul les sites de boules ? Les plus gros budgets, les meilleurs techniciens, les tops sont chez eux. Mmike est chez nous maintenant et il connait son ancien monde. Il est as si loin, en Croatie.  Deux cent sites web gérés par une équipe de trois ou quatres tecchies; normal.

Vous ne connaissez pas; vous ne voulez pas savoir.  Vous espérez que WordPress sera là pour vous et vous ne savez même pas que son ancêtre est né en France (b2/cafeblog). Et pourtant ils sont toujours là, derrière ce que vous faites, derrière vos tweets, vos Likes, vos billets.

On est là, on bosse.  Dans la brume, dans le brouillard. On grouille, on code, on encourage les petits jeunes à venir nous rejoindre.  N’est-ce pas Malo ? On s’éclate. Et on écris.

Des lignes de code, des commentaires, des explications et des textes.  Partout où la lumière peut jaillir, où les bites font des petits, on est là.

Et ce soir là, j’étais là, Caribou, les bois en l’air avec les amis, dans le brouillard, à imaginer ce que je serais ensuite.

A vous permettre de médire sur Internet…

Atelier d’écriture Bric à Book #34 : Les Zadistes

On ne sait pas si la mousse est arrivée avant les mousses. Les cadavres, le reste des assistants à l’oubli jonchent le sol alors que la nature tente de reprendre la maîtrise ce cet espace maintenant vide.

Nous y avons vécu pendant plusieurs semaines. Protégés au moins de la pluie et de l’humidité de la nuit. Maintenant, le froid s’installe et même là ça devient trop froid. On va chercher ailleurs le refuge minimal. L’endroit où l’on peut se permettre de s’assoupir à l’abri des jugements.

Moi je dormais sous la bâche de plastique. Aujourd’hui, c’est une bouteille de pastis qui dort à ma place. Je ne sais pas qui a été le plus replis de p’tit jaune. Même en été, le plastique tenait au chaud. Il y avait au moins quelque chose entre moi et la nuit.

Puis on a dû partir, le coin grouillait de flics. Des CRS partout, on n’a pas compris. Au début, on croyait que c’était pour nous, qu’ils cherchaient à faire du ménage. Puis après plusieurs passages près de nous sans que personne intervienne, on a réalisé qu’ils étaient là pour d’autres. On s’est tenu à carreau le temps qu’ils disparaissent puis on s’est barré.

Ce sont les gens du village qui m’ont expliqué. Un d’eux avait eu la gentillesse de m’offrir sa chaleur et un café. Le patron du troquet, le seul des alentours. Il m’a dit qu’ils recherchaient des « zadistes » ou quelque chose comme ça. Ceux-là venaient pour protéger la nature, les oiseaux, ce genre de connerie. Ils n’ont pas besoin d’être protégés, les oiseaux, ils s’envolent.

Un jour, j’espère que nous on fera parti des « Zautres à défendre »

Roch Plante

Tu l’as dit Mamie, la vie il n’y a pas d’avenir là-dedans, il faut investir ailleurs.

Effectivement, j’aurais du investir ailleurs.

Pas longtemps avant mon départ pour la France, à Montréal, j’étais chez René, un ami que j’ai malheureusement perdu de vue.  Y m’en  reste  plus que deux, il faut que je les épargne.

Donc un jour, de passage chez René, je découvre de l’autre coté de la rue, la Galerie Pink.  Elle expose des oeuvres de Roch Plante.  Parce que j’ai la radio, je sais qu’il s’agit de Réjean Ducharme.  Je passe donc à la galerie, regarde son travail.  J’y ai même laissé un mot dans le livre d’or de l’exposition.

A l’époque j’étais jeune.  Je pensais que je n’avais pas d’argent et je me préparais à partir pour la France.  J’ai donc abandonné l’idée de m’offrir une de ses oeuvres. C’était trop cher.

Ben quoi, deux-cent piastres, c’est pas rien.

Pourtant je savais c’était qui, Roch Plante. Je l’avais l’argent.  Pourquoi j’ai hésité, puis refusé d’acheter une oeuvre d’art ?  Pourquoi j’ai laissé parler ma raison plutôt que mon envie ?

J’ai appris.  Je ne suis pas un collectionneur mais depuis, ça m’a enseigné à ne pas hésiter sur ces coups de coeur.

Décrisse !

Bon. J’ai mon crisse de voyage ! Je voulais mettre ce billet sur FB mais il a plus sa place ici.

Si vous ne prenez pas la peine de vérifier la source de ce que vous partagez, que vous cliquez “Partager” ou “J’aime” sans savoir si c’est vraiment vrai ce que vous lisez, je vous vire tout simplement de mes lectures. Fini. Oublié.  Vous serez toujours dans la liste de mes “contacts” FB mais je n’entendrai plus parler de vous. Du moins par là.
N’y voyez pas de haine, seulement que vous colportez des informations fausses, vous faites partie de la rumeur. Il n’y a pas si longtemps vous auriez dénoncé le voisin sans trop vous poser de question.  Vous auriez raconté des histoires à propos ce ce voisin qui ne sort pas le vendredi.  Celui au nez crochu.  Celui qui est plein aux as vu d’ou il vient.

Vous partagez parce que ça vous arrange.  Vous partagez sur Facebook comme vous votez, sans vous poser de question.  Vous me jeterai la pierre et vous aurai peut-être raison :

Tu ne vote pas, tu n’est même pas français, donc ferme ta gueule

Ben non, voter ce n’est pas se donner le droit de l’ouvrir ou non.  Ce n’est pas ça la démocratie.  La démocratie c’est le droit de parler librement.  De dessiner des conneries qui choquent certains.  De pouvoir afficher son homophobie ou sa peur des religions.  La démocratie, c’est le pouvoir de s’afficher comme un con.

Mais quand je vois tomber une “alerte enlèvement” qui date d’un fait divers de 2007, quand je vois une citation tendancieuse qui semble trop facile je me questionne, je m’interroge.  Quand je vois “light” ou “bio” sur un paquet de biscuit ou sur un politicien, je me demande.  Vous, vous cliquez “Partager” ou “J’aime”.  C’est votre problème.

Je taquine la cinquantaine.  J’ai décidé, un jour enjoué, de cesser de me censurer pour faire plaisir aux autres.  C’est ce que je fais depuis cinquante ans à peu près.  C’est Corine Couturier qui m’a donné l’idée un jour ou je lui demandais son avis à propos de la culture viticole en biodynamie.  Sa réponse :

“J’ai plus d’un demi-siècle. J’en ai rien à foutre de ce que les autres pensent.”

J’ai été surpris alors et un peu hébété.  Aujourd’hui je comprends mieux et j’ai envie de faire miens son affirmation.  Vous avez entendu ce que vous souhaitiez entendre de ma part depuis cinquante ans, bientôt j’en aurai fini.

En attendant, vérifiez les conneries que vous relayez.  Vous ajoutez au bruit de fond qui enterre l’important.

Ben non

Ben non.  J’étais pas un fan de Serge Fiori. Ca c’était mon frère. Il m’a tellement “cassé les couilles” (j’arrive pas à trouver l’équivalent en québécois) avec l’Heptade que j’ai promis de ne pas l’écouter avant vingt ans.

J’ai tout de même triché, un soir d’hiver à Sherbrooke quand on partageait un appartement sur Galt.  Puis j’ai découvert l’autre Fiori, celui tout seul. Celui de l’album de 1986.  Celui qu’on arrive même pas à trouver sur le Web en download (même si j’avais le CD original).  Comme quoi, tout le monde n’est pas virtuel.

“Le vent, le vent,  qui souffle et souffle et souffle”

Puis je suis parti en oubliant le CD en faisant mes bagages.  Et puis, ma femme, petite parisienne qui avait acheté “La cinquième saison” et “L’Heptade” à son adolescence m’a rattrapé de ses souvenirs.  Un soir en Normandie avec mes filles, je suis tombé sur “Le monde est virtuel”.

Pus capable de m’en détacher.  D’entendre ses mots qui, souvent, rejoignent les miens.  Pas au Centre Bell, mais au Café de la gare à voir Patrick Watson, un autre montréalais, entourés de cells qui capturent l’image plutot que le son et le moment.

Fiori, pour moi c’est pas l’Heptade.  Ca c’est un autre monde, celui de mon frère, de la rencontre avec Michel Normandeau un soir de Noël à Paris.  C’est la fusée de tintin qui trône sur mon bureau, offerte par Normandeau à mon père.

Pour moi, Serge Fiori, c’est après Harmonium. C’est le Fiori de 1986 : Etrange, Journal et le reste.  Et depuis quelques jours, c’est “Le monde est virtuel”. Tout particulièrement parce qu’il prend à contre pied le monde “virtuel” dans lequel je vis.

Mes collègues sont à Phoenix, Austin, Santiago, Palma de Mallorca, Cambridge, Taipei, Londres, Beijing, Concón, Sao Paolo, Zagreb, Sungnam, Kyunggi, Tucson, Wroclaw, Santiago.  Ils sont vrai, j’ai bu des bières avec eux, fait des pizza, partagé des repas. Je les rencontrent tous les jours, de loin.  Je salue Billy à Tucson quand il arrive le matin alors que je pars le soir.

Mes racines sont au Québec.  Pourtant, les racines de Fiori sont pas loin de l’Europe.  Pourtant, ses mots vibrent en moi et pas ceux ces années 70.  Les nouveaux, ceux d’après la douleur.  Je suis triste pour lui et content pour moi.  Je voudrais juste pouvoir lui dire merci pour la suite.  Pour ce qui est arrivé après.

Pour moi, il est ce qui a été après.  Merci à mon frère d’avoir écouté Harmonium et de m’avoir fait connaître un musicien exceptionnel.

Arnaque au violon

Petite histoire de weekend.  Voulant vendre un violon sur LBC, nous trouvons un acheteur qui, étonnamment préfère payer par PayPal.  Petite commission de 4€ mais pas trop grave, donc nous acceptons le paiement par PayPal pour recevoir ceci :

Paiement PayPal Confirmé : Transactions BU736421HY21FR

 

 

Bonjour BOUCHARD Louis ,
Nous revenons vers vous afin de vous informer que la transaction BU736421HY21FR dont le montant s’élève à € 120,00 EUR à été débité du compte PayPal
de audrey.va2015@outlook.fr Mais apparaîtra toujours E N ATTENTE” sur votre compte PayPal.
 
Votre compte PayPal sera crédité lorsque vous nous aurez retourné le justificatif d’envoi du colis ou le numéro du suivi en répondant au présent mail de confirmation et prenant la peine de mentionner les informations ci-dessous :
 
1.                       Numéro de suivi :
2.                       Numéro de Référence de la Transaction :
3.                       Numéro de Reçu :
4.                       Compagnie Chargé de la Livraison :
5.                       Numéro De Téléphone Portable:
 
La crédibilité du bordereau d’envoi sera vérifié auprès de la Compagnie Chargé de l’Envoi et par la suite votre compte PayPal sera crédité de la dite somme; ce qui prendra tout au plus 72 Heures après réception du bordereau.

J’inclus volontairement l’adresse du courriel ainsi que le numéro de transaction ( BU736421HY21FR )qui m’a permis de lever la tentative d’escroquerie (car c’en est bien une).

Pour la petite histoire, quand nous avons demandé au contact (toujours joint par courriel) de nous donner un numéro de téléphone où le joindre, il a refusé et a demandé de suivre les instructions.

Donc le violon est toujours à vendre mais nous avons évité d’être victime d’escroquerie.

L’as de la langue

Il y a de ces personnes que l’on rencontre dans une vie et qui comptent. Je ne vais pas vous faire une histoire à la Louis Germain, mais tout de même, de tous je me souviens toujours de lui.

Déjà, entrer dans sa classe de secondaire X (je ne me souviens même plus, je crois que c’était secondaire quatre) c’était de voir le professeur souriant, nous attendant avec un certain plaisir.  Puis, certains le savaient, c’était de rencontrer quelqu’un qui n’était pas que professeur.  Qui était aussi journaliste.  Qui vivait, du moins un peu, de ce qu’il enseignait.

Bref, j’étais content d’être dans sa classe. De l’écouter, de faire les travaux et, surtout, de lire.  Car, à priori, une bonne partie du programme consistait à lire, découvrir la littérature québécoise.  Encore une bonne idée du Ministère.  Pas étonnant qu’il ait « Mini » comme suffixe.

Comment j’ai travaillé pour tenter de terminer « La Cité dans l’œuf » de Tremblay (que je n’ai jamais fini) ? J’aurais peut-être pu lui en parler quand j’ai eu l’honneur de le rencontrer à Paris. Même pas.  Pourquoi on ne m’a pas présenté « L’Avalée des avalés », texte fondateur de ma passion littéraire ? Peu importe.

Parce que j’avais découvert Maurice Leblanc. Patronyme bien québécois pour justifier la lecture des aventures d’Arsène Lupin.  Commencé par « L’Île aux trente cercueils », série télévisée bassement inspirée du roman (Lupin n’y figure même pas), puis de plein d’autres. Je me souviens d’arpenter les allées de la bibliothèque de la polyvalente à la recherche de nouveaux romans de Leblanc, espérant pouvoir passer sous le manteau une littérature que j’aime pour la littérature que je devais apprendre.

— Tu lis quoi, toi Bouchard

(Il avait cette façon de nous interpeller par notre patronyme tout en le faisant sonner de façon très honorable)

— Maurice Leblanc, monsieur

— C’est québécois, ça ?

— Ben Leblanc, oui monsieur

Et ce sourire narquois, bien affiché pour montrer qu’il avait compris.  Qu’il était complice de ma ruse, de mon envie de lire, de découvrir, mais peut-être pas de québécois à ce moment-là.

Puis j’ai bien réussi, bien profité des cours de M. Girard et de quelques autres. Je m’en suis allé vers l’Université, le travail, la France.  Mais je n’ai pas oublié ce monsieur.  Celui qui m’a tracé la route vers tellement de découvertes.

Vers Ducharme.  Je l’ai peut-être croisé dans la rue.  Mon ami vivait dans la Petite Bourgogne, à Montréal.  Un jour, j’ai passé une heure à la galerie Pink, à regarder les œuvres de Roch Plante.  Encore aujourd’hui je regrette de n’avoir pas osé acheter une de ses œuvres. Je n’ai eu que le courage de lui laisser un mot sur le livre d’or.  Des années plus tard, mes parents m’ont donné l’adresse postale de la compagne de Ducharme.  Je lui ai écrit une lettre.  Je n’ai jamais eu le courage de la poster.

Vers d’autres auteurs québécois, français, belges, américains, britanniques vers tous ceux de qui je lis la langue (ça se résume au français et à l’anglais).  Mais vers ces livres, ces histoires, ces textes.  Cet amour de la langue, cette passion des mots, de la littérature, le la doit en partie à monsieur Girard. À mon père et à ma mère aussi. À toute ma famille.

Mais de ceux qui étaient là pour m’enseigner, Jacques Girard est de loin celui qui  eu la plus grande influence sur ma sensibilité littéraire.

 

Merci Monsieur Jacques Girard.

Atelier d’écriture Bric A Book : En genre et en nombre

Homme au milieu de femmes.  Image masculine au milieu d’un monde féminin. Vision du monde vu des yeux d’un homme.  Celui, pourtant, qui montre le premier regard de l’homme sur la femme, qui leur enseigne ce qu’est le regard de lui sur elle, sur elles.

J’ai déshabillé des femmes pour prendre leur image. Je ne leur ai même pas laissé de voile pour abriter les détails de leur corps.  J’ai montré à d’autres ce qu’elles abritent normalement sous tricots et tissus. Leur ai demandé de bouger légèrement pour mieux voir leur poitrine.  De monter sur la pointe des pieds pour raidir les muscles des fesses. Tout ça pour l’image.

Et puis je leur ai demandé, plus tard, pourquoi elles acceptaient de se dénuder pour moi, pour l’objectif.  J’ai toujours eu des réponses positives de leur part :

– J’aime bien

– C’est super agréable d’avoir de belles images de soi

– Je ne vois pas ce qu’il y a d’indécent dans la nudité

Puis j’ai vu des femmes photographier des femmes, Bettina Rheims, Dominique Issermann, Annie Leibovitz. Et j’ai compris que le sexisme n’était pas dans l’image, il était dans le regard. Dans les habitudes et les ancrages culturels.

Dans ce que l’on passe à ses enfants, les mots, les conventions, les habitudes. Sur les unes des magazines qui vous demande de maigrir en mai, en janvier, ou quand les tirages le demande.  Quand une journaliste se demande “qui servira le café”, un soir d’élection où la parité homme-femme chez les candidats est obligatoire.  Dans les jeux, les activités que l’on suggère à nos enfants.

Dans “l’heure des maman” où j’y côtoie de plus en plus de mes pairs de genre.  Dans les soirées entre potes, d’un coté, et entre filles de l’autre.  Dans les films de gonzesses. Dans tout ce mélange de comportements que l’on se sent obliger de classer en fonction du genre. Dans la surprise de voir un garçon surdoué entrer à l’Opéra de Paris.  Dans le surplus de pathos suite au décès d’un policier dans la rue à Montrouge, parce que c’était une femme.

Bien sûr tout le reste demeure, demande à être dénoncé, évité, modifié.  Pourtant, ce qui est décrié ici passe pour normal ailleurs et vice-versa.

Je sais, je sais. Sexisme est un mot masculin.