De souche et de misère

Hier, un tweet de Natacha Polony a ravivé mon envie d’écrire sur un sujet qui commence à faire débat ici en France :

J’avais déjà tiqué sur un autre reportage à la radio, à propos de “ces français issus de l’immigration” qui m’avait agacé.  “Français issue de l’immigration”, c’est juste un galvaudage politiquement correct pour éviter de dire minorité visible, comme black qui fait ‘trendy’ alors que nègre ça ne passe pas.

Il ne s’agit pas du tweet en lui même, mais du texte auquel il fait référence. A chaque fois que je lis ce type de débat, ça me renvoit quinze ans en arrière lorsqu’en compagnie d’une amie “française issue de l’immigration” je l’avais entendue dire

De toute façon, toi tu sera toujours plus français que moi

Elle, française mais née au Sénégal et arrivée en France à six ans, moi (toujours) pas français mais bien blanc et de type occidental.  Depuis, elle est allée faire sa vie en Suisse car comme elle disait, “Une femme noire en France, y’a pas d’avenir”. Elle est pourtant Ph D en Mathématique de la Sorbonne

Tout ça pour dire qu’à mon avis, un des problèmes de l’immigration en France tient déjà dans la façon dont on nomme ceux qui en viennent. “Français issue de l’immigration” : on fait déjà une différence entre eux et les “français de souche”. L’immigrant reste donc, un français de seconde zone, un résultat que l’on marque d’une différence d’apellation toute ‘française’.

Venant d’un pays né de l’immigration et qui continue à recevoir bon nombre d’immigrés, je continue à remarquer à chaque passage au Québec comment les personnes venant d’origines diverses deviennent québécois.  Je me souviens de l’époque des “boat people” du Viet-Nam et du Cambodge, leur arrivée au Québec.  Je me souviens aussi, peu avant mon départ pour la France, entrer dans un dépaneur et voir ce jeune garçon à la physionomie orientale, me lacher un “Tabarnak” plein de cet accent que l’on partage.

Si on souhaite que l’immigration fonctionne en France, il faut que l’on cesse de hiérarchiser les immigrants, les nouveaux français, seulement par leur apparence.  Quand je pense qu’il faut encore aujourd’hui fournir une photo sur un Curriculum Vitae, je me dis qu’on est loin d’y être arrivé.

En attendant, vous me direz, je ne suis même pas français moi-même. Effectivement, je n’arrive toujours pas à me souvenir de caser une demi-journée d’attente dehors en ligne devant la préfecture pour pouvoir déposer mon dossier.  Peut-être au printemps.

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