L’as de la langue

Il y a de ces personnes que l’on rencontre dans une vie et qui comptent. Je ne vais pas vous faire une histoire à la Louis Germain, mais tout de même, de tous je me souviens toujours de lui.

Déjà, entrer dans sa classe de secondaire X (je ne me souviens même plus, je crois que c’était secondaire quatre) c’était de voir le professeur souriant, nous attendant avec un certain plaisir.  Puis, certains le savaient, c’était de rencontrer quelqu’un qui n’était pas que professeur.  Qui était aussi journaliste.  Qui vivait, du moins un peu, de ce qu’il enseignait.

Bref, j’étais content d’être dans sa classe. De l’écouter, de faire les travaux et, surtout, de lire.  Car, à priori, une bonne partie du programme consistait à lire, découvrir la littérature québécoise.  Encore une bonne idée du Ministère.  Pas étonnant qu’il ait « Mini » comme suffixe.

Comment j’ai travaillé pour tenter de terminer « La Cité dans l’œuf » de Tremblay (que je n’ai jamais fini) ? J’aurais peut-être pu lui en parler quand j’ai eu l’honneur de le rencontrer à Paris. Même pas.  Pourquoi on ne m’a pas présenté « L’Avalée des avalés », texte fondateur de ma passion littéraire ? Peu importe.

Parce que j’avais découvert Maurice Leblanc. Patronyme bien québécois pour justifier la lecture des aventures d’Arsène Lupin.  Commencé par « L’Île aux trente cercueils », série télévisée bassement inspirée du roman (Lupin n’y figure même pas), puis de plein d’autres. Je me souviens d’arpenter les allées de la bibliothèque de la polyvalente à la recherche de nouveaux romans de Leblanc, espérant pouvoir passer sous le manteau une littérature que j’aime pour la littérature que je devais apprendre.

— Tu lis quoi, toi Bouchard

(Il avait cette façon de nous interpeller par notre patronyme tout en le faisant sonner de façon très honorable)

— Maurice Leblanc, monsieur

— C’est québécois, ça ?

— Ben Leblanc, oui monsieur

Et ce sourire narquois, bien affiché pour montrer qu’il avait compris.  Qu’il était complice de ma ruse, de mon envie de lire, de découvrir, mais peut-être pas de québécois à ce moment-là.

Puis j’ai bien réussi, bien profité des cours de M. Girard et de quelques autres. Je m’en suis allé vers l’Université, le travail, la France.  Mais je n’ai pas oublié ce monsieur.  Celui qui m’a tracé la route vers tellement de découvertes.

Vers Ducharme.  Je l’ai peut-être croisé dans la rue.  Mon ami vivait dans la Petite Bourgogne, à Montréal.  Un jour, j’ai passé une heure à la galerie Pink, à regarder les œuvres de Roch Plante.  Encore aujourd’hui je regrette de n’avoir pas osé acheter une de ses œuvres. Je n’ai eu que le courage de lui laisser un mot sur le livre d’or.  Des années plus tard, mes parents m’ont donné l’adresse postale de la compagne de Ducharme.  Je lui ai écrit une lettre.  Je n’ai jamais eu le courage de la poster.

Vers d’autres auteurs québécois, français, belges, américains, britanniques vers tous ceux de qui je lis la langue (ça se résume au français et à l’anglais).  Mais vers ces livres, ces histoires, ces textes.  Cet amour de la langue, cette passion des mots, de la littérature, le la doit en partie à monsieur Girard. À mon père et à ma mère aussi. À toute ma famille.

Mais de ceux qui étaient là pour m’enseigner, Jacques Girard est de loin celui qui  eu la plus grande influence sur ma sensibilité littéraire.

 

Merci Monsieur Jacques Girard.

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