Hier soir, De peigne et de misère

Bizarre idée de mon père d’offrir à Nathalie des billets pour le spectacle d’un obscur inconnu, Fred Pellerin. Je dois avouer que j’étais dubitatif et Nathalie tout autant.  Aller voir un conteur québécois, à Paris, un mercredi soir.  Pas gagné. Bin qu’intéressé par le personnage, j’avais des doutes quant à la facilité avec laquelle Nathalie pourrait accéder au langage de Pellerin.  Malgré près de quinze ans de vie commune et qu’elle a l’habitude de l’accent québécois de ma famille, je gardais des doutes.

Fred Pellerin à mis à peine trois minutes pour balayer mes doutes et nous emporter dans ses comtes, dans sa poésie simple et efficace, son village, pas très loin du miens et avec ses personnages.  Nous faire voyager, rire, sourire et passer un très bon moment avec lui.

Et vers la fin de son spectacle, je me suis pris à espérer le rencontrer pour lui raconter une de mes histoires.  Celle d’un flot, un jour qui jouait à faire le technicien dans la salle de spectacle de l’école polyvalente.  Qui préparait un éclairage tout simple : un point chaud au centre de la scène.  Et qui a vu arriver un vieux monsieur avec un gros paquet emballé dans une sorte de soute de skidoo qui est monté sur la scène.

Là, il a ouvert la soute, puis il en a sorti une poubelle en stainless toute bossée.  Il l’a mis là à coté de lui, a regardé l’éclairage. Il n’a rien dit, a fait signe à son éclairagiste/régisseur que tout était OK, puis il est reparti. Ce vieux monsieur, je l’avais pourtant souvent vu à la TV quand j’étais petit. Il m’avait bien fait rire et je ne manquait jamais l’émission des deux clown qui vivaient dans une maison sans mur.

Le soir, j’ai savouré son spectacle en silence. Je ne me souviens plus si je m’occupais du follow-spot ou si j’étais juste là à l’écouter, le regarder attentivement faire virevolter les mots, les plier, retourner, leur redonner un nouveau sens. Me faire rire aux larmes.  J’apprends tout à l’heure que ce grand monsieur c’est éteint en 2005.

Photo : Jacques Grenier, Le Devoir

Hier soir, Fred Pellerin m’a rapellé cette soirée où j’ai eu le privilège d’approcher Marc Favreau, de voir Sol sur scène.  C’est juste maintenant que je réalise que Sol, telle la lumière du pays de Pellerin, ne s’éteindra jamais, un peu aussi grâce à Fred.

 

 

Leave a Reply