Rufo père et fille

Ce matin, je me suis levé sur un billet de Daniel Schneidermann à propos d’une lettre ouverte d’Alice Rufo à son père. J’ai fait un petit commentaire, histoire montrer que j’étais debout pas trop tard, ce dimanche aussi de prouver qu’il avait des lecteurs matinaux.

Puis je suis passé à autre chose. J’ai fait lire l’échange entre père et fille à ma femme (on a tous les deux bien apprécié certains écrits de Rufo comme jeunes parents), histoire qu’elle profite et aussi parce que je pe doutais qu’elle serait d’accord un peu comme moi avec l’argumentaire d’Alice.

Enfin je reviens en fin de journée, histoire de relire les commentaires qui entourent mes quelques lignes. Et bien en gros, j’ai honte d’avoir mis mes mots au travers de cette bande de con. D.S. n’a rien à voir avec ça, c’est pas lui qui les écrit les commentaires. Mes les autres, mes amis…

Et qu’on t’y met du Chirac, du conflit père-fille, des sdf. Au passage un échange entre D.S. et Anthropia m’a laissé espérer un peu, juste pour lire que c’était encore la faute des autres. Bref, mon commentaire c’est retrouvé avant-dernier : aigreur et dépit 😀

Je termine juste en copiant sans vergogne la lettre de A. Rufo et la réponse de M. Rufo, histoire de pouvoir la garder en réserve pour plus tard.

Lettre à mon père, Marcel Rufo

Quand le Pr Marcel Rufo a dit à sa fille que les étudiants devraient d’abord passer leurs examens, puis organiser des états généraux, Alice, 25 ans, normalienne et diplômée de Sciences po, a répliqué par une lettre cinglante. Nous la publions ci-dessous, avec la réponse du pédopsychiatre

J’ai bien peur que l’idée de faire des états généraux de la jeunesse – comme, en 1789, on avait convoqué le tiers état pour connaître ses doléances – ne soit précisément le signe d’un conflit de générations. La jeunesse n’est pas une classe sociale mais l’avenir, c’est-à-dire la seule classe générationnelle qui compte. Tu te souviens du mot de Sieyès? 1. Qu’est-ce que le tiers état? Tout. 2. Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique? Rien. 3. Que demande-t-il? A être quelque chose. Que demandent les jeunes? A être quelque chose. De fait, ils ne sont rien. «Il faut qu’ils aillent passer leurs examens», dis-tu. Le postulat de ta génération, c’est: «Les diplômes, quels qu’ils soient, permettent d’avancer.» C’est vrai, mais moins qu’avant. C’est là tout le problème.

La génération qui dirige actuellement le pays est issue d’une forte période de croissance et a fait ses études pendant cette période bénie où il suffisait de travailler pour avancer. Aujourd’hui, le travail et les études ne suffisent plus. Mais le pire, ce n’est pas le manque de dynamisme de l’économie et le marasme social. C’est que, face à ces problèmes, notre génération ne se sent pas comprise, et encore moins soutenue. Il est très nouveau dans l’histoire de l’humanité qu’une génération fière de sa réussite se détourne des problèmes de la génération suivante et supporte que la situation soit pire que ce qu’elle a connu.

Tu sais, aujourd’hui, le problème, c’est que les jeunes ne travaillent plus (comme c’était votre cas) dans une perspective ascendante, mais seulement pour s’en sortir, se mettre à l’abri, limiter les difficultés. C’est quand même un gros changement d’époque.

Aujourd’hui, on demande à des jeunes à qui on laisse un système éducatif dans un état pitoyable, une dette publique colossale, des retraites hallucinantes à payer, une absence totale de perspectives de prendre encore sur eux le coût de l’ajustement. Il est normal que ça explose. Flexibiliser le marché du travail pour que les entreprises embauchent davantage, oui, sûrement, mais alors avec un système de formation qui tienne debout, un ascenseur social qui redémarre, un véritable investissement dans la recherche, des diplômes adaptés au fonctionnement de la société et qui ne soient pas des leurres. Nous ne demandons pas d’avoir mieux. Mais au moins autant que votre génération. C’est une première, pour une révolution. Nous voulons avancer, nous aussi. Des états généraux, pourquoi pas? Mais, si ça ne débouche pas sur un vrai dialogue, l’ascenseur social méritocratique républicain va finir par se transformer en un avion pour les Etats-Unis au sommet et par un baril de poudre en bas.

Tu dis toujours qu’il faut devenir ce qu’on veut devenir. Mais comment? Cette époque et ce pays sont si tristes… Alice Rufo

La réponse du Pr Rufo

«Si tu as raison, c’est terrible pour ma génération. On a promu nos espérances, mais pas l’espérance pour tous. Pourtant, discuter, échanger me paraît la seule façon de sortir de ce conflit. La parole règle tout. Et je continue à croire à l’importance des examens, des diplômes, des formations. Le travail est une vraie deuxième chance pour se construire et conquérir l’estime de soi. Travaille bien et ne me trouve pas trop vieux.» Marcel Rufo

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