Il ne s’est plus rien passé après ça. Comme si tout avait disparu. Autour de moi un trou noir, gentil à mon égard, vient d’entrer. Je n’entends plus que le souffle discret du ruban tournant à vide. Ce message codé que personne n’a eu le courage d’enregistrer, laissant libre cours au hasard d’y laisser sa trace.
Autour de moi, j’entends soudainement le vide. Il envahit la pièce au rythme d’une marée noire longeant la côte. Lentement mais inévitable. Sortant de ce feint exemple de haut-parleur, il ne s’en écoule pas moins à grands bouillons et inonde le plancher de mon petit studio. Curieusement, je sais que malgré tout le nettoyage que je pourrai faire pour me débarrasser de cette flaque de néant, il en restera assez dans les fentes de mes alentours pour que sa présence demeure.
Sans y attacher trop grande importance, je met de coté cette cassette. Je la place instinctivement dans la boîte où je garde tout mes biens précieux. Je n’écouterai plus jamais la voix qui discourait sur cet enregistrement. Ma mémoire va me servir de lecteur-cassette et répéter au vouloir chaque phrase de ce monologue.
Ces mots alignés n’ont existé qu’une seule fois pour moi. Cette seule fois sera suffisante pour m’inonder de l’onde de ce vide. Et celui-ci ne me quittera plus. Il était peut-être toujours là. Mais maintenant je le connais intimement. Je ne veut pas résister. Je n’ai de toute façon rien à perdre. Je n’avais rien au-dehors, je ne traîne donc rien en dedans. Même lorsque à l’intérieur je regarde l’extérieur, je vois bien que je n’ai rien laissé. Je n’ai donc pas de regret. Ce n’est pas pour cela que j’ai mal.