18. La sortie du lit

Tellement remué, de tout bords tout côté, je me sens comme la baratte avant d’engendrer le beurre. La passion s’évade des pores de ma peau trop vite pour que je n’en puisse savourer la douceur. Bien trop rapide pour que j’en témoigne de la vigueur. Il ne me reste que de feint souvenirs à rapporter pour que nuls n’en retienne que dalle.

De toute cette tension, qui pourrais supporter les ponts de nos deux âmes il ne reste plus que peu de ces câbles, pâles survivants d’une fusion presque parfaite. De cet amalgame est né beaucoup plus que des figures de styles, une trame de sensualité qui pourrait couper jusqu’au canevas qui la soutenait. Ensuite ne survit que quelques pronoms, une grappe de confusion et quelques subordonnées qui se groupent pour mieux se protéger.

Ma nuit, je la partage avec vous madame, comme l’ombre d’un arbre qui me protégerait d’un soleil saharien. Je vous l’offre innocemment, sans me douter du festin que vous en ferai. Sans anticiper que ce sera sans scrupule que vous me dépouillerez de mes rêves, que vous vous préparez à me déshabiller de mes innocents songes, maîtres de céans des nuits qui me tiennent compagnie.

Je vous en veux, madame, de venir polluer mes rêves de votre réalité empoisonnée.
– Ouais, bien je crois que je n’ai plus rien à gagner à rester ici, murmurais-je rien que pour moi.

Lentement, sans rien agiter dans la noirceur qui frôle mes angles nu, je m’extirpe du couvert de ce lit, sans remuer l’ensemble au repos.

Sans permettre à la nuit de commenter mes déplacements, je retrace le chemin de mes vêtements. Inconsciemment, j’ai imité le petit Poucet, semant des balises tout au long de mon chemin. Le chemin du retour semble calme. Je n’ai aucune idée que quelqu’un veut m’égarer dans un dédale d’émotions et de passions pour que je n’y puisse plus jamais retrouver mon chemin.

Debout, sans ébruiter la nouvelle de mon départ imminent, revêt doucement ma chemise, regardant l’image tendre d’une enfant endormie. La naïveté émanant de ce visage de jeune femme embue mes yeux de remords qui pourtant sonne faux à mes oreilles.

– C’est elle qui devrait avoir des remords, dis-je.

L’a-t-elle entendue, est-ce un simple hasard, en est-il qu’un léger soubresaut ébranle sa frêle chambre de femme, m’emplissant aussitôt d’une angoisse sourde. Figé dans la chambre noyée d’ombre, j’observe son corps maintenant immobile.

Avec un empressement à peine perceptible je finit ma tâche de vêtement et sort de la pièce silencieusement, comme lorsqu’on quitte le chevet du malade qui s’est à peine endormi. Je ne sais si le faible démenti du silence que j’entends est son appel endormi ou quelqu’autre dérangement de la nuit. De toute manière, sa source ne m’importe peu alors que j’enjambe le seuil de sa porte, me soustrayant à sa réalité, présente ou future.

Au dehors, une faible neige viens faire mentir le paysage et lui donner un tout autre visage, à mes yeux. Ces fins cristaux qui piquent l’équipe de mes yeux arrivent à peine à désorienter mes pas. Moins que les étonnements de cette nuit, ils déstabilisent mon rythme et jettent la confusion dans mon orientation.

Cette nuit, j’ai poussé à vif les joints d’une relation sans pour autant qu’elle devienne ce que je désirais d’elle. Les débris de cette union vont dès maintenant peupler les souvenirs de mes nuits sans mouvement. Parce qu’elles seront autant de manques le long d’une vie qui n’espère que réussir.